Sur la liberté


Sur la liberté.




“ […] pour les actes accomplis par crainte de plus grands maux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyran nous ordonne d'accomplir une action honteuse, alors qu'il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu'en accomplissant cette action nous assurerions leur salut, et en refusant de la faire, leur mort), pour de telles actions la question est débattue de savoir si elles sont volontaires ou involontaires. c'est là encore ce qui se produit dans le cas d'une cargaison qu'on jette par-dessus bord au cours d'une tempête : dans l'absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s'agit de son propre salut et de celui de ses compagnons, un homme de sens agit toujours ainsi. De telles actions sont donc des mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin de l'action varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou d'involontaire, se référer au moment où elle s'accomplit. Or ici, l'homme agit volontairement, car le principe qui, en de telles actions, meut les pièces instrumentales de son corps, réside en lui, et les choses dont le principe est en l'homme même, il dépend de lui de les faire ou de ne pas les faire. ”


Aristote, Ethique à Nicomaque, III, 1, Vrin p. 120.







“ L'acte fait par ignorance est toujours non volontaire ; il n'est involontaire que si l'agent en éprouve affliction et repentir. En effet, l'homme qui, après avoir accompli par ignorance une action quelconque, ne ressent aucun déplaisir de son acte, n'a pas agi volontairement, puisqu'il ne savait pas ce qu'il faisait, mais il n'a pas non plus agi involontairement, puisqu'il n'en éprouve aucun chagrin. Les actes faits par ignorance sont dès lors de deux sortes : si l'agent en ressent du repentir, on estime qu'il a agi involontairement ; et s'il ne se repent pas, on pourra dire, pour marquer la distinction avec le cas précédent, qu'il a agi non volontairement.

Il y a aussi, semble-t-il bien, une différence entre agir par ignorance et accomplir un acte dans l'ignorance : ainsi, l'homme ivre ou l'homme en colère, pense-t-on, agit non par ignorance mais par l'une des causes que nous venons de mentionner [l'ivresse ou la colère], bien qu'il ne sache pas ce qu'il fait mais se trouve en état d'ignorance. Ainsi donc, tout homme pervers ignore les choses qu'il doit faire et celles qu'il doit éviter, et c'est cette sorte d'erreur qui engendre chez l'homme l'injustice et le vice en général. ”



Aristote, Ethique à Nicomaque, III, 2.






“ Nous devons sans doute appeler un objet de délibération non pas ce sur quoi délibérerait un imbécile, ou un fou, mais ce sur quoi peut délibérer un homme sain d'esprit. Or sur les entités éternelles il n'y a jamais de délibération : par exemple l'ordre du monde ou l'incommensurabilité de la diagonale avec le carré. [...] la délibération ne porte même pas sur toutes les affaires humaines sans exception : ainsi, aucun Lacédémonien ne délibère sur la meilleure forme de gouvernement pour les Scythes. [...] Nous délibérons non pas sur les fins elles-mêmes, mais sur les moyens d'atteindre les fins. Un médecin ne se demande pas s'il doit guérir son malade, ni un orateur s'il entraînera la persuasion, ni l'homme politique s'il établira de bonnes lois, et dans les autres domaines on ne délibère jamais sur la fin à atteindre. ”


Aristote, Ethique à Nicomaque, III, 5